Voici notre chronique parue il y a quelques semaines dans Le Monde.
Management : les leaders libérateurs d’entreprise sont-ils saint-simoniens ?
LE MONDE ECONOMIE |
Par Isaac Getz
Lors de son mandat de directeur général de la fonderie FAVI, Jean-François Zobrist a réussi à faire ce que peu de patrons ont fait en France. Pendant plus de trente ans, cette PME de Picardie n’a jamais augmenté les prix de ses produits, pas même pour les ajuster à l’inflation, n’a jamais eu de livraison en retard, et a assuré un résultat à deux chiffres à ses actionnaires. Plus encore, FAVI exportait en Chine. Dit autrement, FAVI, avec des ouvriers français et des charges salariales concomitantes, a réussi à être moins chère et de meilleure qualité que les concurrents chinois.
Mais si vous demandez à M. Zobrist ce qu’il pense de ces résultats, il vous dira qu’ils ne sont pas des résultats, mais des « résultantes ». Le résultat de son action, dira-t-il, est le mode d’organisation fondé sur la liberté et la responsabilité des salariés qui leur a permis de décider par eux-mêmes les meilleures initiatives à prendre pour leur entreprise. C’est ce mode d’organisation qui fait que les salariés de FAVI ont envie de venir au travail et de donner le meilleur d’eux-mêmes. Les performances extraordinaires de FAVI ne sont que la résultante de cet engagement extraordinaire.
Jean-François Zobrist est l’un de ces patrons que j’appelle des « leaders libérateurs de la première génération », tout comme Michel Munzenhutter, Jean-Michel Queguiner, Jacques Raiman en France et quelques autres dans le monde. Bill Gore était le premier au monde à avoir construit l’entreprise libérée — chez W.L. Gore, fabricant de Goretex — et cela depuis 1958. En France, c’est M. Zobrist qui l’a fait depuis 1983.
Certes, à l’époque on ne parlait pas des entreprises libérées, mais M. Zobrist a volontairement adopté ce concept en ajoutant une touche personnelle : « L’entreprise libérée, dit-il, c’est libérer les productifs des contraintes des improductifs. » Dans son style volontiers provocateur, M. Zobrist précise ainsi…
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