L’entreprise libérée est une question de philosophie, ses créateurs… des anti-bureaucrates
LE MONDE | 04.06.2015 | Par Isaac Getz (Professeur à l’ESCP Europe)
En 1787, Thomas Jefferson, alors ambassadeur des Etats-Unis à Paris, écrit une lettre à son ami Madison occupé à concevoir la constitution américaine. Plutôt que de commenter le système spécifique de l’équilibre des pouvoirs, Jefferson lui expose trois philosophies de gouvernance de la société. La première, qu’il associe aux sociétés d’Europe continentale de l’époque, est celle du gouvernement par la force. La deuxième, qu’il associe à l’Amérique et au Royaume-Uni, est celle du gouvernement rendant des comptes à la population. Enfin, la troisième, que Jefferson associe aux sociétés Amérindiennes, est celle de l’auto-gouvernement assuré par l’intériorisation de valeurs communes par tous les membres des sociétés de petite taille. Jefferson indique, par ailleurs, sa préférence pour la troisième philosophie, avant d’admettre son impraticabilité pour les populations nombreuses. Analyser l’entreprise libérée, en comparaison avec les systèmes politiques (autocraties vs. démocraties, etc.) peut paraître hasardeux. En revanche, comprendre les philosophies qui sous-tendent les entreprises, plutôt que leurs systèmes ou leurs modèles supposés est très instructif.
En 1957, Douglas McGregor explicite la philosophie qui sous-tend les entreprises dites traditionnelles, dont sa croyance principale : « Les salariés ont une aversion intrinsèque pour le travail et préfèrent être dirigés afin d’échapper aux responsabilités ». Les entreprises libérées se fondent sur une philosophie différente dont les croyances principales stipulent que les êtres humains aspirent à satisfaire leurs besoins universels d’égalité intrinsèque, de réalisation de soi et d’auto-direction, universels bien qu’articulés différemment selon les cultures. De ces deux philosophies découlent deux modes organisationnels distincts.
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