Nouveau recueil « L’entreprise libérée »

Le 2 novembre 2017 est sortie chez Fayard mon nouveau recueil L’entreprise libérée.  En voici la préface.

L’entreprise libérée suscite un immense intérêt. Des centaines d’organisations privées et publiques allant des PME aux grands groupes et à la Sécurité sociale ont entamé leurs démarche de libération. Le sujet pose aussi de nombreuses questions. Cependant, je souhaite évoquer ici les questions suscitées par un autre sujet, pourtant très lié à l’entreprise libérée : le leadership libérateur. En voici quelques-unes, qui souvent se présentent sous forme de paradoxes :

Le leader libérateur s’engage dans une démarche de transformation très éprouvante dont un des indicateurs de réussite consiste en sa propre obsolescence.

Le leader libérateur doit conduire un formidable chantier de transformation, or moins il en fait et mieux ce chantier avance, et inversement.

La transformation du mode d’organisation est très difficile et pourtant elle paraît souvent facile à côté de la transformation de soi par le leader qui doit la précéder.

L’intelligence a priori supérieure du leader a souvent contribué à ce qu’il se soit retrouvé à la tête de son entreprise, or il doit largement l’abandonner pour réussir la libération de cette dernière.

Le leader libérateur doit persuader ces collaborateurs de le suivre dans cette aventure, or moins il est charismatique – en d’autres mots, plus il est humble –, mieux il réussira cette persuasion.

Je pourrai continuer cette liste, mais la leçon est claire : les enjeux du leadership libérateur sont au cœur de la libération d’entreprise. Dit autrement, vouloir décrire l’entreprise libérée, c’est comme demander à un artiste de décrire les éléments de son œuvre finale avant qu’il se soit engagé dans le processus de sa création. Ni Rodin ni Gaudí n’auraient pu décrire leurs œuvres finales avant d’avoir commencé à les créer – et pour Gaudi, cette création continue toujours sans lui. Car si la libération d’entreprise ne demande pas tant d’intelligence, elle demande de la créativité, ainsi que de la sagesse et de l’humilité – ou une posture similaire.

Nous avons parlé de tout cela dans Liberté & Cie, mais pas assez, probablement. Depuis sa parution en 2009 – en français en 2012 –, je n’ai cessé d’en explorer les différentes facettes à travers les écrits qui sont parus au fil des années dans des revues, des ouvrages collectifs et dans la presse. À chaque fois, ils ont éclairé une des facettes, sans pour autant donner à leurs lecteurs une intuition d’ensemble. C’est à dessein que je parle d’intuition et pas de compréhension d’ensemble, car le leadership libérateur n’est pas un sujet intellectuel. C’est un sujet émotionnel, voire viscéral. Certains leaders libérateurs en herbe ont été saisis par lui immédiatement. Face aux témoignages de leaders libérateurs ils se sont dit : « Je veux être cet homme, je souhaite réussir une œuvre de transformation dans mon entreprise comme lui l’a réussi dans la sienne. » D’autres ont développé leur intuition du leadership libérateur plus graduellement, à travers le travail sur soi et les lectures.

Il y a plusieurs années, j’ai reçu un mail dans lequel un patron de PME me remerciait pour Liberté & Cie. Je lui ai demandé pourquoi. Il m’a répondu ainsi : « Mon entreprise a grandi et depuis trois semaines j’agonisais autour d’une feuille dans laquelle j’ai cherché à dessiner notre organigramme. Après avoir lu votre livre je l’ai déchirée : ce n’est pas la question. » Quelques mois après, je l’ai rencontré un soir à Paris pour échanger un peu, comme je fais avec beaucoup de leaders libérateurs en herbe, puis j’ai perdu ses traces. A-t-il réussi à libérer son entreprise une fois qu’il a compris que la question n’est pas : « Quel modèle dois-je construire pour mon entreprise ? » mais : « quel leadership dois-je assumer pour que le nouveau mode d’organisation unique pour mon entreprise se construise, vive et évolue ? Sans moi s’il le faut. » Je l’ignore. Mais ce n’est pas la question non plus. Mon rôle – et, par extension, celui de ce livre – n’est pas d’être un guide. Le guide, c’est le leader libérateur – et de moins en moins au fur et à mesure que le chemin avance.

Mon rôle est d’éclairer – et uniquement ceux qui le veulent – sur quelques ingrédients que l’expérience a démontré comme bénéfiques pour se lancer dans l’aventure. Certes, on peut se lancer sans certains de ces ingrédients, mais alors cela prendra plus de temps, et demandera davantage de « deux pas en avant, un pas en arrière ». Cela s’appelle apprendre de sa propre expérience et il le faut toujours. Mais si vous voulez apprendre aussi de l’expérience du leadership libérateur des autres – dont j’ai tenté d’extraire ici quelques leçons fondamentales –, ce livre est pour vous.

Je terminerai par ces deux enseignements venant de la tradition chinoise. Le premier est du maître taoïste Kouo-Siang :

Ce que les sages ont fait appartient au passe et ne peut donc convenir à la situation actuelle. C’est sans valeur et il ne faut pas imiter.

Le second est de l’inventeur même du taoïsme, Lao-tseu :

Le sage adopte la tactique du non-agir, et pratique l’enseignement sans parole.

Toutes choses du monde surgissent sans qu’il en soit l’auteur.

Il produit sans s’approprier.

Il agit sans rien attendre.

Son œuvre accomplie, il ne s’y attache pas, et, puisqu’il ne s’y attache pas, son œuvre restera.

2 remarques à propos de “Nouveau recueil « L’entreprise libérée »”

  1. Je souscris à cette vision de l’entreprise. Pour que le salarié soit motivé, il faut qu’il puisse prendre conscience qu’il est co-propriétaire de l’entreprise dans laquelle il travaille. Le succès de celle-ci dépendra directement de sa propre créativité et donc de sa performance . Par conséquent, l’intéressement sur le chiffre d’affaire ne suffit pas, il faut qu’il soit parti prenante et donc actionnaire de son entreprise. Si la marge brute de la société diminue, son revenu baisse. Si elle augmente, son patrimoine fructifie. Quand aux syndicats, leur rôle doit être constructif. Ils doivent devenir des relais de la communication positive. « Au lieu de te demander ce que l’entreprise doit faire pour toi, demandes toi ce que tu peux faire pour l’entreprise »…

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